L'objectif de la séance sera d'identifier des positions contradictoires sur des faits d'actualité et sur des phénomènes de société.
q Thème
1 : la politique de colonisation israélienne
q Thème
2 : Le test d’un missile balistique
par l’Iran
q Thème
3 : la question du logement en
France
q Thème
4 : le réseau d’écoles « Espérance banlieues »
q Thème
5 : La cour suprême des Etats-Unis
q Thème
6 : Trump et l'UE
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7 : La Chine, écoresponsable ?
Travail de groupes et restitution devant la classe.
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Sur le chemin buissonnier des
écoles Espérance banlieues
Lorraine
Rossignol Publié le 29/11/2016
Rien
n'indique encore, dans ce petit pavillon blanc à toit de tuiles loué à la
Mairie, qu'il s'agit d'une école primaire. Le cours La Passerelle a ouvert en
septembre dernier à Pierre-Bénite, ville du sud de l'agglomération lyonnaise,
dont le quartier de Haute-Roche est réputé pour sa cité et ses barres. Un
établissement privé hors contrat (1), monté en quelques mois à peine par
des personnes issues de la société civile, toutes mues par une invincible
énergie et sans autre prétention que de « faire quelque chose pour [leur]
pays, au lendemain des attentats de 2015 ». Une toute petite école dont la
cour de récré ressemble encore à un terrain en jachère. En cette matinée
d'octobre, un homme y jette, bénévolement, les graines de ce qui sera bientôt
le gazon du terrain de jeu des élèves. C'est Jean-François, jardinier au
chômage et père de deux élèves. Ses fils, « pas question qu'ils fassent
comme papa, à pointer à Pôle emploi » : Jean-François les a sortis de leur
école de quartier, où ils étaient en chute libre scolairement parlant, et
malheureux de surcroît, subissant la violence quotidienne d'un établissement où
les adultes avaient baissé les bras. L'école catholique sous contrat d'à côté
affichait une liste d'attente de plusieurs années. L'impasse. Quand
Jean-François a eu vent de La Passerelle, une école, lui a-t-on dit, « en
lutte contre l'échec scolaire et les tensions communautaires, qui suit un
modèle mi-anglo-saxon, mi-scandinave, oscillant entre pragmatisme et éducation
nouvelle », il s'est renseigné. Il a tout de suite adhéré.
Ainsi,
à La Passerelle, l'uniforme est-il obligatoire pour les élèves - non par esprit
de discipline, mais pour lutter contre la tyrannie des marques en assurant la
neutralité des apparences. Chacun apporte sa « lunch box » pour le déjeuner,
parce que c'est la meilleure façon de dénouer les tensions religieuses
relatives aux aliments ou à leur préparation — et c'est bien moins cher que la
cantine pour les parents. Des parents qui précisément sont invités à participer
à la vie de l'école par de menus travaux, à l'image de Jean-François et son
gazon. Chorale, théâtre et débats sur l'actualité (préparés en amont à la
maison afin que l'enfant puisse étayer ses propos d'arguments construits)
permettent à chacun de s'exprimer de façon collective et individuelle. Dans les
classes (de quinze élèves maximum), on travaille les « savoir-être » : se
respecter, être attentif aux autres, persévérer... Avec, dans le viseur, une
obsession : redonner à l'enfant confiance en lui pour qu'il puisse revenir à
un parcours classique au sein du « système ». Montessori , Singapour,
Feuerstein... toutes les méthodes pédagogiques peuvent être utilisées, du
moment qu'elles lèvent les blocages. L'accent est mis sur la maîtrise de la
langue française et la connaissance de l'histoire de France (toutes deux à la
baisse dans les programmes officiels), parce que ce sont des codes de base pour
pouvoir vivre ensemble. Inédit. « Si une école comme celle-là n'existait
pas, il faudrait l'inventer, résume Jean-François. Dans le coin, je peux
vous dire qu'elle nous manquait. »
Une
vingtaine d'autres écoles devraient ouvrir à la rentrée prochaine
Mais
le voilà qui s'interrompt : un camion vient de s'arrêter devant le cours. Il
apporte... des mâts ! Trois mâts destinés à porter haut les couleurs de la
France, chaque lundi matin dans la cour de récréation, lors d'une petite
cérémonie au cours de laquelle les enfants chanteront La Marseillaise. C'est le
signe distinctif le plus visible des établissements du réseau Espérance
banlieues, lancé en 2012 à Montfermeil (93), là où avaient commencé les émeutes
de 2005. Huit écoles à ce jour, dont celle de Pierre-Bénite, la dernière-née,
systématiquement implantées dans « les quartiers », en région parisienne, à
Marseille, à Roubaix... Toutes ont vu le jour grâce à la création d'une
association locale, et avec le soutien, outre des municipalités concernées, de
la Fondation Espérance banlieues (elle-même soutenue par des entreprises
mécènes, comme BNP Paribas, Thalès, Bouygues, LVMH...mais aussi de nombreux
petits donateurs, à hauteur de 1,5 million par an). Une vingtaine d'autres
écoles devraient ouvrir à la rentrée prochaine (à Toulouse, Bordeaux, Avignon,
Chambéry...), l'objectif étant d'atteindre la « taille critique » de deux cents
établissements sur tout le territoire d'ici à dix ans. « Non pas dans le but
de concurrencer l'Education nationale, explique Eric Mestrallet, le
fondateur du réseau, lui-même issu de la société civile (il est le patron d'une
société de conseil). Mais plutôt
d'"imprimer" l'école classique par effet de mimétisme, en faisant
modèle . Car le système, monolithique, ne peut pas organiquement se
renouveler : sa taille même l'en empêche. »
Najat
Vallaud-Belkacem aurait-t-elle eu vent de cette vision républicaine ? La
ministre de l'Education nationale a en tout cas déclaré 2016 « année de La
Marseillaise » dans les établissements scolaires... Le lever des
couleurs se révèle d'ailleurs un outil pédagogique banal dans nombre d'écoles à
travers le monde. Pour Mestrallet, chez qui « l'amour de la République et
l'amour de l'école vont de pair », il s'agit d'abord « de rassembler les
jeunes Français autour des valeurs clés qu'incarne le drapeau tricolore :
liberté, égalité (dont la première est l'égalité hommes-femmes), fraternité. Et
de leur donner les clés pour aimer la France, des racines qui permettent aux
enfants de "palper" une citoyenneté qui, sinon, reste totalement
abstraite pour eux » . Certains, au sein de l'Education nationale, accusent
Espérance banlieues de promouvoir, sous des dehors citoyens, une approche
réactionnaire voire nationaliste de l'éducation. Espérance banlieues, pourtant,
refuse cette accusation et revendique « une absence de propagande au seul
profit du bon sens ». N'empêche : l'esprit du scoutisme cher à Baden-Powell
n'est jamais loin, chez nombre de professeurs du réseau, qu'ils soient issus de
l'Education nationale (jeunes profs se mettant en disponibilité ou au contraire
enseignants en fin de carrière voulant tenter le défi) ou non. Parmi eux, on
trouve des diplômés tout juste sortis de HEC, de Sciences Po, de l'Edhec, ou
des jeunes professionnels à peine lancés sur le marché du travail, telle cette
institutrice du cours La Boussole, à Mantes-la-Jolie, qui, après trois années
d'audit dans une grande boîte à La Défense, a donné sa démission. Tous sont animés
par « le besoin d'être utile, de donner du sens à sa vie ». « Toute ma vie,
j'ai travaillé pour moi, mes enfants et mon entreprise, explique Francisque
Reboullet, entrepreneur local qui vient de prendre sa retraite, et l'un des
fondateurs du cours La Passerelle, à Pierre-Bénite. J'ai eu envie, pour une
fois, de donner de mon temps en participant à la création d'un lieu nouveau, où
l'on apprendrait aux enfants, citoyens de demain, à vivre ensemble. »
Francisque a créé une association, destinée à collecter des fonds auprès de
grosses et petites entreprises des environs — les frais de scolarité à La
Passerelle se limitant à 50 euros par mois, afin de rester accessible. « Si
j'ai choisi de faire ma carrière dans l'armée, c'était pour assurer la paix à
tous mes concitoyens, raconte pour sa part Yves Couvert, ex-pilote officier
de l'armée de l'air, lui aussi tout jeune retraité. Après Charlie, je
me suis dit que le meilleur moyen de continuer était d'investir dans
l'éducation. » Le voici directeur d'école.
Intégristes,
les fondateurs d'Espérance banlieues ? « Regardez la multiplicité des
horizons dont sont issus les gens qui nous soutiennent », se défend
Mestrallet. De Jean-Louis Borloo à David Laws (ex-ministre de l'Education en
Grande-Bretagne), à Andreas Schleicher (directeur de l'Education à l'OCDE), ou
aux maires de toutes couleurs politiques (y compris les mairies socialistes de
Nantes, Dijon, Les Mureaux...) qui viennent visiter les écoles du réseau, tous
partagent, au-delà des clivages politiciens, le même sentiment d'urgence
éducative. Mais ceux qui le disent le mieux, ce sont encore les parents : «
A La Passerelle, on apprend aux enfants ce qu'est la France, à la fois son
histoire et sa modernité, insiste Mme Mimouni, venue chercher son fils Aziz
à l'heure du déjeuner. Nous vivons dans ce pays, il faut le connaître, le
comprendre, le respecter et l'aimer. Je sais que cela ne plaît pas à tous dans
le quartier, mais moi je n'en peux plus du communautarisme ! Je veux que mon
fils puisse s'intégrer, qu'il ait un avenir ! » continue cette femme
d'origine tunisienne au visage enserré d'un voile blanc. A La Passerelle,
chaque enfant est accueilli personnellement le matin. On lui serre la main, on
le regarde dans les yeux, on le vouvoie. Et Mme Mimouni d'évoquer la
transformation de son fils, en souffrance scolaire lui aussi, mais « apaisé
» désormais, heureux de se rendre chaque jour dans cette école «
aconfessionnelle », comme toutes celles du réseau : si toute religion ou
pratique religieuse en est exclue (on n'y trouve pas plus de catéchèse que l'on
n'y tolère d'absentéisme le jour de l'Aïd), « la dimension spirituelle des
enfants y est reconnue, et peut être débattue, du moment que c'est avec les
arguments de la raison », explique son directeur.
«
Apaisement », le maître mot. Xavier Villarmet le ressent chaque matin, sur le
seuil de son établissement — le cours Antoine-de-Saint-Exupéry, à
Asnières-sur-Seine (92) — ouvert l'an dernier, sur une initiative de jeunes
cadres qui n'en pouvaient plus de voir leur ville se scinder entre, d'un côté,
les nantis d'Asnières-Sud, et de l'autre, les quartiers nord. Bénévoles, ils
encadrent et accompagnent les enfants au moment du déjeuner, à la récré, à
l'étude... « Je vous assure qu'il se passe quelque chose de magique ici, affirme
Xavier. C'est très beau, très émouvant. » Et pourtant ce sont les mêmes
familles, à 70 % de culture musulmane, que celles qu'il côtoyait au collège ZEP
d'à côté, où pendant douze ans il fut professeur d'histoire-géo, souffrant «
de n'être qu'un enseignant, de ne pouvoir exprimer la fibre éducative qui
sommeille au fond de tous les profs ». Quelque chose a changé. Serait-ce
l'esprit de partage ? « J'ai envie sans arrêt de dire aux enfants : la
culture française est une grammaire, elle est à vous. Vous êtes français, c'est
votre pays. Alors allez-y ! Foncez ! Faites-en quelque chose ! ».
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