La séance avec les élèves de Terminale (4 présents) a débuté avec un premier retour sur les oraux d'admissibilité, sur les questions posées lors de l'oral, les difficultés rencontrées, etc.
Partie n°1 de l'atelier : Passage à l'oral d'Alexi L. sur "le fichier TES" (40min) : État, démocratie et enjeux du numérique
Élargissement de la discussion aux rapports entre État et libertés individuelles, notion d'État libéral, d'État sécuritaire...
Quelques points abordés durant la discussion :
- Rappel des dystopies autour de la perte des libertés individuelles face à la construction d'un État autoritaire dans quelques romans célèbres (1984 de G. Orwell, Nous autres d'I. Zamiatine, Le meilleur des mondes d'A. Huxley).
- Le lien entre communication des données individuelles et le "Discours sur la servitude volontaire" de La Boétie (1576) : pourquoi accepterait-on de livrer des données personnelles ? Est-ce utile ? Est-ce légitime ?
- Comment la démocratie peut-elle se réapproprier ses données personnelles sur internet (revente à des entreprises privées, publicités ciblées...) ?
- Rôle du numérique dans les campagnes présidentielles et risques (ex. hackers russes dans la campagne de Clinton, dans la campagne française...)
-> Émission sur les rapports entre littérature et fiction politique : https://www.franceculture.fr/histoire/aldous-huxley-je-suis-terrifie-de-voir-mes-propheties-realisees
Partie n°2 de l'atelier : "Démocratie, démocraties : un "gouvernement du peuple" est-il souhaitable ?" (1h15)
Honoré Daumier, "Le Ventre législatif. Aspects des bancs ministériels de la chambre improstituée de 1834",
Lithographie, 1834, BNF.
Vocabulaire : démocratie directe (Rousseau)/démocratie indirecte
(Sieyès), démocratie populaire/démocratie représentative, suffrage universel
direct (1848-1958), peuple « introuvable » (Pierre Rosanvallon) au
XIXe siècle, démocratie capacitaire (éducation ? armée ?),
plébiscite, tirage au sort : un enrichissement de la démocratie ?,
populisme(s).
Peuple (définition du Trésor de la
Langue Française) : « Ensemble
des humains vivant en société sur un territoire déterminé et qui, ayant
parfois une communauté d'origine, présentent une homogénéité relative de
civilisation et sont liés par un certain nombre de coutumes et d'institutions
communes. »
Retour sur la revue de presse de Mathieu et sur le rôle du "peuple" en politique à partir de plusieurs questions :
- Retour sur l'image du "peuple" dans les différentes campagnes présidentielles ("Au nom du peuple" au FN, "Seul le peuple peut décider" de F. Fillon, "L'ère du peuple" de JLM...)
- Qui doit former le "peuple" ? Qui "doit"/"peut" voter ? Cas du droit de vote des femmes, de l'abaissement du vote à 16 ans, cas du vote des étrangers aux élections (hors citoyens européens).
- Comment former le meilleur citoyen pour renforcer la démocratie ? Cas de l'éducation (retour sur l'ambition et les limites de l'EMC, idées autour d'une éducation politique des jeunes assurée à l'école), cas de l'armée (guerre et Révolution, service civique, JAPD...)
- Faudrait-il/pourrait-on créer un "permis de vote" ? Retour sur la distinction entre la Constitution de 1791 (citoyens actifs/citoyens passifs,modèle du citoyen-propriétaire de Sieyès...) et la Constitution de 1793 (universalité de la citoyenneté et possibilité de naturalisation dans un contexte de guerre révolutionnaire, question de la démocratie populaire...)
- L'héritage des différents modèles démocratiques du XIXe siècle sur notre démocratie contemporaine : démocratie plébiscitaire napoléonienne (et référendum ?), démocratie capacitaire de François Guizot dans les années 1840 (et idée d'un "niveau" pour voter).
- Universalisme du modèle français =/= différentialisme et multiculturalisme anglo-saxon
- D'autres modes d'action politique du peuple citoyen : le tirage au sort (origines antiques et projets actuels), la démocratie locale et populaire (ex. du budget participatif parisien), la grève, la marche (ex. marche du 18 mars des Insoumis), la pétition, les associations, les réseaux sociaux...
La démocratie populaire selon Maximilien de Robespierre (18 pluviôse An II - 5 février 1794))
Le seul gouvernement démocratique ou républicain :
ces deux mots sont synonymes, malgré les abus du langage vulgaire ; car
l’aristocratie n’est pas plus la république que la monarchie. La démocratie
n’est pas un état où le peuple, continuellement assemblé, règle par lui-même
toutes les affaires publiques, encore moins celui où cent mille fractions
[=groupe] du peuple, par des mesures isolées, précipitées et contradictoires,
décideraient du sort de la société entière : un tel gouvernement n’a jamais
existé, et il ne pourrait exister que pour ramener le peuple au despotisme. […]
9. La démocratie est un état où le peuple souverain,
guidé par des lois qui sont son ouvrage, fait par lui-même tout ce qu’il peut
bien faire, et par des délégués tout ce qu’il ne peut faire lui-même.
10. C’est donc dans les principes du gouvernement
démocratique que vous devez chercher les règles de votre conduite
politique. Mais, pour fonder et pour consolider parmi nous la démocratie, pour
arriver au règne paisible des lois constitutionnelles, il faut terminer la
guerre de la liberté contre la tyrannie, et traverser heureusement les orages
de la révolution : tel est le but du système révolutionnaire que vous avez
régularisé.
Source : « Rapport sur les principes de morale politique qui doivent guider la Convention nationale dans l’administration intérieure de la République, fait au nom du Comité de salut public, le 18 pluviôse, l’an 2e de la République »
Texte complémentaire n°2 :
L’idée du « tirage au sort » : un gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ?
La pratique de l’échantillon
représentatif dans les prises de décision redonne au tirage au sort une place
dans les régimes politiques contemporains. La diversité qu’il introduit dans
les procédures contribue à renforcer la légitimité démocratique. […]
Le tirage au sort semble revenir
dans des expériences politiques après avoir été éclipsé pendant des siècles.
L’expérience islandaise est de ce point de vue emblématique. Après la crise
économique de 2008 et la quasi-faillite du pays, la volonté de changer l’équipe
gouvernementale et les règles du jeu politique s’exprime lors d’énormes
manifestations de rue. […] Parallèlement, en 2009, une Assemblée citoyenne d’un
millier de personnes tirées au sort et de quelques centaines de personnalités
qualifiées est rassemblée à l’initiative d’associations civiques pour dégager
les valeurs sur lesquelles devraient se refonder le pays. L’expérience est
réitérée en novembre 2010, cette fois avec le soutien étatique, dans la
perspective de l’adoption d’une nouvelle Constitution. La tâche de cette
seconde Assemblée citoyenne est de déterminer, en s’appuyant sur les résultats
de la première, les grands principes de la future Loi fondamentale.
Peu après, un « Conseil
constituant » est élu par la population. Il est composé de vingt-cinq citoyens
« ordinaires » : les 523 candidatures en compétition sont purement
individuelles, les parlementaires ne peuvent se présenter et la campagne électorale
est légalement réduite au minimum pour se démarquer des pratiques habituelles
d’une classe politique largement discréditée. Ce Conseil travaille sur un
nouveau texte constitutionnel au printemps et à l’été 2011. […] Les expériences
contemporaines se singularisent en ce qu’elles pensent le tirage au sort comme
moyen de sélectionner un échantillon représentatif (ou au moins diversifié) de
la population, une sorte de microcosme de la cité, un mini-public qui peut
opiner, évaluer, juger et éventuellement décider au nom de la collectivité, là
où tous ne peuvent prendre part à la délibération et où l’hétérogénéité sociale
interdit de croire que tous les individus sont interchangeables. […] Malgré ces
défis, la vague actuelle d’expérimentations ayant recours au tirage au sort est
significative d’une tentative d’enrichissement de la démocratie.
Voir également sur ce point : http://www.laviedesidees.fr/La-revolution-du-tirage-au-sort.html
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