- Première partie de séance :
Alexis de
Tocqueville - la notion de "passion de l'égalité", de "maître et
de serviteur" dans les sociétés démocratiques contemporaines (XIXe siècle)
- Seconde partie de séance : que faire de la "servitude volontaire" d'Étienne de La Boétie
--> Problématique : Les hommes peuvent-ils
renoncer volontairement à leur liberté dans un cadre politique ?
Document
n°1 : Extrait d’Étienne de La Boétie, Discours
de la servitude volontaire, 1576
"Pour le moment, je voudrais seulement
comprendre comment il se peut que tant d'hommes, tant de bourgs, tant de
villes, tant de nations supportent quelquefois un tyran seul qui n'a de
puissance que celle qu'ils lui donnent, qui n'a pouvoir de leur nuire qu'autant
qu'ils veulent bien l'endurer, et qui ne pourrait leur faire aucun mal s'ils
n'aimaient mieux tout souffrir de lui que de le contredire. Chose vraiment
étonnante - et pourtant si commune qu'il faut plutôt en gémir que s'en ébahir
-, de voir un million d'hommes misérablement asservis, la tête sous le joug,
non qu'ils y soient contraints par une force majeure, mais parce qu'ils sont
fascinés et pour ainsi dire ensorcelés par le seul nom d'un, qu'ils ne
devraient pas redouter - puisqu'il est seul - ni aimer --- puisqu'il est envers
eux tous inhumain et cruel. Telle est pourtant la faiblesse des hommes :
contraints à l'obéissance, obligés de temporiser, ils ne peuvent pas être
toujours les plus forts. […] Or ce tyran seul, il n'est pas besoin de le
combattre, ni de l'abattre. Il est défait de lui-même, pourvu que le pays ne
consente point à sa servitude. Il ne s'agit pas de lui ôter quelque chose, mais
de ne rien lui donner. Pas besoin que le pays se mette en peine de faire rien
pour soi, pourvu qu'il ne fasse rien contre soi. Ce sont donc les peuples
eux-mêmes qui se laissent, ou plutôt qui se font malmener, puisqu'ils en
seraient quittes en cessant de servir. C'est le peuple qui s'asservit et qui se
coupe la gorge ; qui, pouvant choisir d'être soumis ou d'être libre, repousse
la liberté et prend le joug ; qui consent à son mal, ou plutôt qui le
recherche...
[…] Pauvres gens misérables, peuples
insensés, nations opiniâtres à votre mal et aveugles à votre bien ! Vous vous
laissez enlever sous vos yeux le plus beau et le plus clair de votre revenu,
vous laissez piller vos champs, voler et dépouiller vos maisons des vieux
meubles de vos ancêtres ! Vous vivez de telle sorte que rien n'est plus à vous.
Il semble que vous regarderiez désormais comme un grand bonheur qu'on vous
laissât seulement la moitié de vos biens, de vos familles, de vos vies. Et tous
ces dégâts, ces malheurs, cette ruine, ne vous viennent pas des ennemis, mais
certes bien de l'ennemi, de celui-là même que vous avez fait ce qu'il est, de
celui pour qui vous allez si courageusement à la guerre, et pour la grandeur
duquel vous ne refusez pas de vous offrir vous-mêmes à la mort. Ce maître n'a
pourtant que deux yeux, deux mains, un corps, et rien de plus que n'a le
dernier des habitants du nombre infini de nos villes. Ce qu'il a de plus, ce
sont les moyens que vous lui fournissez pour vous détruire. D'où tire-t-il tous
ces yeux qui vous épient, si ce n'est de vous ? Comment a-t-il tant de mains
pour vous frapper, s'il ne vous les emprunte ? Les pieds dont il foule vos
cités ne sont-ils pas aussi les vôtres ? A-t-il pouvoir sur vous, qui ne soit
de vous-mêmes ? Comment oserait-il vous assaillir, s'il n'était d'intelligence
avec vous ? Quel mal pourrait-il vous faire, si vous n'étiez les receleurs du
larron qui vous pille, les complices du meurtrier qui vous tue et les traîtres
de vous-mêmes ? Vous semez vos champs pour qu'il les dévaste, vous meublez et
remplissez vos maisons pour fournir ses pilleries, vous élevez vos filles afin
qu'il puisse assouvir sa luxure, vous nourrissez vos enfants pour qu'il en
fasse des soldats dans le meilleur des cas, pour qu'il les mène à la guerre, à
la boucherie, qu'il les rende ministres de ses convoitises et exécuteurs de ses
vengeances. Vous vous usez à la peine afin qu'il puisse se mignarder dans ses
délices et se vautrer dans ses sales plaisirs. Vous vous affaiblissez afin
qu'il soit plus fort, et qu'il vous tienne plus rudement la bride plus courte.
Et de tant d'indignités que les bêtes elles-mêmes ne supporteraient pas si
elles les sentaient, vous pourriez vous délivrer si vous essayiez, même pas de
vous délivrer, seulement de le vouloir.
[…] Soyez résolus à ne plus servir, et
vous voilà libres. Je ne vous demande pas de le pousser, de l'ébranler, mais
seulement de ne plus le soutenir, et vous le verrez, tel un grand colosse dont
on a brisé la base, fondre sous son poids et se rompre. Les bêtes, Dieu me soit
en aide, si les hommes veulent bien les entendre, leur crient : « Vive la
liberté ! ». Plusieurs d'entre elles meurent aussitôt prises. Tel le
poisson qui perd la vie sitôt tiré de l'eau, elles se laissent mourir pour ne
point survivre à leur liberté naturelle. Si les animaux avaient entre eux des
prééminences, ils feraient de cette liberté leur noblesse. […]"
--> Pour
approfondir la réflexion menée en classe : France Culture, émission du Gai
savoir, R. Enthoven, 22.08.2015 : https://www.franceculture.fr/emissions/le-gai-savoir/discours-de-la-servitude-volontaire-la-boetie
- Commentaires de quatre documents d'accès direct à partir de la théorie de La Boétie :
Document A : Le jeu
« Fiscal Kombat », Discord insoumis (Avril 2017)
« Le candidat
de la France Insoumise lance ce vendredi soir un petit jeu vidéo dans lequel il
est le héros. Son objectif : secouer les riches pour récupérer l'argent public
et constituer le budget du quinquennat qu'il voudrait effectuer.
À l'approche de la
présidentielle, certains concoctent des hymnes de campagne, d'autres, des clips
vidéo léchés… Certain de se démarquer de la concurrence, Jean-Luc Mélenchon, lui,
sort ce vendredi soir un jeu vidéo au titre prometteur: Fiscal Kombat. Ce
projet, qui avait d'abord pu être interprété comme un poisson d'avril, avait
bien été annoncé dans l'épisode 23 de sa Revue de la semaine, l'un des
programmes phares de sa chaîne YouTube. Il se concrétise aujourd'hui sous la
forme d'un jeu sur navigateur à l'esthétique «16 bits», librement inspiré du
célèbre best-seller des années 1990 Mortal Kombat. Le slogan du jeu
«secouez-les tous!» provient, lui, de la licence Pokémon. Une manière pour le
candidat de la France Insoumise de donner suite à ses nombreux plaidoyers en
faveur des jeux vidéo tout en creusant le sillon de son combat contre la fraude
fiscale sous toutes ses formes. »
Source : Marc de Boni,
« Fiscal Kombat : Mélenchon sort son jeu vidéo de campagne »,
07/04/2017, Le Figaro, en ligne.
Document B : « Alla
irhal ya Bachar » (« Allez dégage Bachar ») : le chant
d’une révolte syrienne (2011-2016)
- Vidéo sur le site du Monde : « L’oiseau moqueur de la révolution » : http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2012/09/04/allez-degage-bachar-le-chant-revolutionnaire-des-rebelles-syriens_1755193_3218.html
- Document de comparaison : Bachar Mar-Khalifé, Marea Negra, album Who's Gonna Get the Ball from Behind, 2013 : https://vimeo.com/51286733
Document C : Une
forme d’eugénisme à la française (1920-1980) – « servitude
volontaire » et biologie au XXe siècle : La cité-jardin
Ungemach créée par Alfred Dachert, à Strasbourg, en 1929
"Utilisant la
démarche de la microstoria [=l’histoire à l’échelle d’un quartier, d’un
village…], l’historien Paul-André Rosental ouvre son enquête par l’examen d’une
œuvre très localisée, les jardins Ungemach (du nom d’un industriel alsacien qui
les avait financés sur ses bénéfices de guerre), inaugurés en 1924 dans
l’immédiate périphérie de Strasbourg. Faite de petits pavillons en style
régional typique, cette cité-jardin était destinée à accueillir de jeunes
couples, modestes sans être pauvres, recrutés au terme d’une sélection
drastique qui reposait sur la probabilité (dûment mesurée) de leur capacité à
procréer des enfants sains. Son but était donc bien de faire naître des bébés
sains et non de protéger ceux qui étaient déjà nés. Le plus extraordinaire est
que cette cité ouvertement eugénique ait continué à fonctionner selon les mêmes
règles jusqu’au milieu des années 1980, bien qu’elle soit passée trente ans
auparavant sous la gestion de la ville de Strasbourg. Jusqu’à il y a moins de
trente ans, le slogan (sinon la réalité) de cette expérience reste
« procréer ou déménager » […] Aussi, malgré son règlement pesant,
l’œuvre trouva-t-elle toujours de nombreux candidats prêts à sacrifier un peu
de leur liberté (en se soumettant, par exemple, à des visites et inspections
régulières sur la tenue de leur foyer) au profit du confort qu’offraient les
pavillons."
Source :
Olivier Faure (historien), « Eugénisme, version française », La
Vie des Idées, 13/04/2016, en ligne.
Document D : Une
position ministérielle pour la « pénalisation du client » (position
de la loi de 2016)
Extrait du discours
prononcé par Najat Vallaud-Belkacem, à l’époque ministre du droit des femmes, à
l’occasion du début de l’examen de la proposition de loi renforçant la lutte
contre le système prostitutionnel le 29 novembre 2013 à l’Assemblée nationale :
http://www.familles-enfance-droitsdesfemmes.gouv.fr/abolition-de-la-prostitution-discours-de-najat-vallaud-belkacem-devant-lassemblee-nationale/
La loi n’a été publiée au Journal Officiel que le 13 avril 2016. Elle prévoit
la lutte contre le proxénétisme par la pénalisation des clients (amende de 1500
euros), la prise en charge globale des personnes prostituées (aides financières
et visa de 6 mois), campagnes de sensibilisation…
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